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— Pardon, les indulgences ne sont pas des cataplasmes.

— Ah !…

— Ainsi, vous diriez, mais là, très-sérieusement, avec conviction : « Mon doux Jésus, je vous donne mon cœur », vous gagneriez cent jours d’indulgences ; en d’autres termes, vous enlèveriez cent jours de purgatoire à qui vous voudriez.

— Ce n’est pas plus malin que ça ?

— Non !

— Alors, attendez, mon brave… Laissez-moi faire un petit compte.

Je pris du papier, un crayon, et je posai quelques chiffres. Cet infortuné Dupanloup me regardait avec anxiété.

Quand j’eus terminé mes calculs :

— Vos 73,975 ans 4 mois et 3 jours de purgatoire font 27 millions de jours…

— Hélas !… Aïe ! aïe ! ma cuisse !…

— Je publie en ce moment, sous le titre de Bibliothèque anti-cléricale, des brochures qui se tirent à trente mille exemplaires ; cela me fait donc trente mille lecteurs.

— Sapristi ! je n’en ai jamais eu autant.

— Cela tient sans doute à ce que vos brochures, à vous, devaient être beaucoup trop intéressantes.

— Que voulez-vous ? on fait ce que l’on peut.

— Suivez bien mon raisonnement… Si chacun de mes trente mille lecteurs consent à dire une fois par jour : « Mon doux Jésus, je vous donne mon cœur », au bout de neuf jours vous êtes en paradis…

— C’est ce qui s’appelle une neuvaine.

— Eh bien ! mon pauvre patachon, je vais organiser une neuvaine à votre intention… Je vous dois bien ça, allez, après votre mort… vous m’avez assez fait rigoler pendant votre vie…

— Ah ! Monsieur, vous me comblez… Je vois que j’ai eu raison de venir vous trouver… Je ne vous embrasse pas, parce que je vous brûlerais.

Et sur ce, voilà mon revenant qui disparaît.