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Si jamais il me repince à lui faire une neuvaine, il fera chaud.

Écoutez mon histoire, âmes sensibles, c’est navrant.

Je ne suis pas pieux, mais je l’ai été ; il y a longtemps que je ne pratique plus, ce qui prouve que j’ai pratiqué. Je sais donc ce que c’est qu’une prière et comment on doit la faire pour qu’elle soit exaucée là-haut.

Comme j’ai déjà eu le plaisir de vous le dire, je m’étais payé dix billets de la Loterie nationale. J’avais quelque chance pour gagner ; mais la chance n’est rien, si on ne l’aide pas.

Alors, je me suis souvenu de mon jeune temps, des beaux jours de mon enfance, où je servais la messe, où j’agitais la sonnette au derrière de M. le curé.

Je me suis dit : — Je vais faire une neuvaine.

Une neuvaine ? Bien. Mais à quel saint ?

Vous savez, moi, je n’ai aucune préférence. Cet été, quand je suis venu voir l’Exposition, je suis descendu à un hôtel qui s’appelait l’hôtel Saint-Eustache. On y est très-bien. Donc, saint Eustache ne peut pas manquer de me porter bonheur.

Saint Eustache, mon ami, je vais te faire une neuvaine. Ce n’est pas plus malin que ça.

Et pendant neuf jours, — oui, Monsieur, pendant neuf jours, — tous les soirs, avant de me coucher, je me suis mis à genoux devant ma table de nuit, et là, à haute voix en me frappant la poitrine, j’ai récité trois pater et trois ave, en ajoutant à la fin :

— Saint Eustache, bon saint Eustache, faites-moi gagner le gros lot !

Jamais, je vous le jure, jamais de ma vie je n’avais prié avec autant de ferveur.

Tenez, je me rappelle très-bien ma première communion. Ah ! quel grand jour ! comme il est encore bien présent à ma mémoire ! j’étais au collége, j’avais onze ans ; le matin, d’ordinaire on ne nous donnait, au déjeuner, qu’une grosse soupe de