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LA VIE DE JÉSUS

qui ont chipé le corps et qui vont le brûler secrètement, afin de le soustraire à notre vénération.

Les disciples, à qui il fit part de ses impressions, les partagèrent. L’absence du cadavre prouvait bien que le sépulcre était vide, puisque le fait était constaté, mais ne prouvait pas le moins du monde que le mort était redevenu vivant.

Aussi, quand la Magdeleine arriva dans le cénacle[1] après Pierre et Jean, on se moqua d’elle un tantinet.

D’abord, elle affirmait qu’elle avait vu deux anges dans la grotte funéraire, et Simon-Caillou soutenait qu’il n’y avait pas plus d’anges au sépulcre que sur sa main. Jean, qui penchait pour la résurrection, blâmait la maîtresse du Christ de broder la vérité ; il était certain que les anges n’existaient que dans l’imagination de la jolie pécheresse ; il trouvait que l’on devait simplement croire que Jésus était ressuscité ; mais il ajoutait qu’il était de mauvais goût de prétendre imposer cette opinion aux autres, en parlant de séraphins ou de chérubins que lui, Jean, n’avait pas vus.

— Qui veut trop prouver ne prouve rien, concluait-il.

La Magdeleine insistait :

— Mais laissez-moi donc finir de vous raconter ce que j’ai vu, et vous jugerez !

— Eh bien, quoi ? Qu’avez-vous vu encore ? disaient les autres d’un air goguenard.

— Après les anges, j’ai vu Jésus lui-même.

— Vraiment ?

— Jésus en chair et en os.

— Et il vous a embrassée, comme dans les beaux jours de Capharnaüm, hein ?

— Il ne m’a pas embrassée, mais nous avons causé ensemble.

— Elle est bien bonne !… Et que vous a-t-il dit ?

— Il m’a demandé pourquoi je pleurais… parce qu’il faut vous dire que je pleurais… Et puis, il m’a demandé qui je cherchais…

— Et vous lui avez répondu : « Mon gros chéri, c’est toi que je cherche… » c’est cela, pas vrai ?

— Non. Je lui ai répondu simplement que je cherchais mon Jésus bien-aimé… Car je dois vous déclarer que je ne me doutais pas que c’était lui que j’avais devant moi.

— Tiens, tiens, c’était votre homme, et vous ne l’avez pas reconnu tout de suite ?…

— À cause de son costume… J’ai cru d’abord que c’était le jardinier de la propriété… Il avait des sabots, une pioche à la main, et sur la tête un immense chapeau de paille qui lui donnait un drôle d’air… Il a fallu qu’il m’appelât Marie, de sa voix si douce… Alors, j’ai compris tout de suite à qui j’avais af-

  1. C’est ainsi que l’Évangile nomme l’endroit où avait eu lieu le banquet du jeudi, salle où les apôtres se réunissaient depuis la mort de leur chef.