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LES TROIS COCUS

sonné un gendarme qui prisait, et d’avoir étranglé une bonne femme qui avait un chien jaune, des économies et soixante-dix-sept ans. Il ne voulait rien avouer. Au contraire, il affirmait que le gendarme était son ami, et qu’il avait l’intention de reconnaître la bonne femme pour sa fille.

Cela paraissait extraordinaire.

Le fait vint aux oreilles de la reine Amélie, et il fut décidé, sur l’ordre du roi, que l’on endormirait l’accusé, et qu’il serait interrogé pendant son sommeil magnétique.

Un médium fut mandé ; mais, malgré ses efforts, il ne put rien obtenir. L’accusé, au lieu de dormir, s’était mis à danser.

Le préfet de police, tremblant pour sa place, demanda un second médium. Celui-ci ne fut pas plus heureux : l’accusé, tandis qu’on le chargeait de fluide, su mit à faire das tours d’adresse avec le chapeau du commissaire présent aux épreuves.

Le second médium dit : « Je vois bien pourquoi je n’ai pas réussi ; c’est mon collègue, ce bonhomme qui m’a précédé, qui a abruti mon sujet. » Le second répliqua : « Pardon ! le fluide allait opérer ; malheureusement, mon collègue, celui qui m’a succédé, a défait toute ma besogne. »

Faute de preuves, l’accusé fut relâché, et Louis-Philippe enfonça son parapluie dans le ventre du commissaire.

Quelques armés passèrent sur cet événement et personne n’y songea plus.

Cependant, un beau jour, les deux médiums se rencontrèrent d’une façon bizarre.

Le premier, qui n’avait pas réussi dans le magnétisme, s’était mis perruquier ; le second avait fait fortune dans les abat-jour.

Ce dernier, qui était de noce, entra, sans faire attention, dans la première boutique venue, se mit dans un fauteuil et demanda à être rasé.

Le patron, le premier médium, prépare sa savonnette, saisit le patient et commence à le savonner, quand, tout à coup, et sans se rien dire, les deux hommes se reconnaissent. Depuis l’affaire de l’assassin, on le comprend sans peine, ils étaient de mortels ennemis.

Sans se parler, les deux hommes frissonnent de la tête aux pieds. La même pensée les travaille : endormir l’adversaire pour lui prouver sa supériorité.

Ils se regardent dans le blanc des yeux. Le fluide s’épanche en simples filets, puis en cascades ; enfin, c’est un torrent, un océan.