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LES TROIS COCUS

sonne qui avait frappé refit encore « toc-toc » à la porte ; puis, ne recevant pas de réponse, elle s’éloigna.

Pendant ce temps, le colonel Campistron, convenablement éméché de son côté, satisfaisait aux besoins de l’impérieuse nature. Quand il eut rajusté ses bretelles et boutonné son gilet, il sortit du petit local en humant avec joie l’air frais de l’extérieur. Il n’avait pas fait quatre pas dans le corridor, que deux jeunes filles lui sautèrent au cou en s’écriant :

Le voilà,
Nicolas !
Ah ! ah ! ah !

Et elles l’entraînèrent de vive force dans un salon.

— Mesdemoiselles, fit Campistron, tout en se laissant faire violence, voudriez-vous avoir la bonté de m’expliquer ce que signifie votre conduite ?

Bruscambille prit la parole :

— Mon petit père, tu vas trinquer avec nous, et puis nous t’expliquerons tout ce que tu voudras.

Blanc-Partout tira le cordon de sonnette. Un garçon parut.

— Trois pippermints, commanda Bruscambille.

Un nuage passa sur le front du colonel.

— Et ma femme qui est là dans un cabinet à côté ! se disait-il à lui-même.

Puis, après réflexion, il ajouta, toujours en son for intérieur :

— Baste ! j’invoquerai la crainte d’une congestion cérébrable, comme le soir du café de Madrid.

Il y avait en effet une petite histoire, à propos du café de Madrid.

Un soir, il y prenait une glace en compagnie de Pauline. Tout à coup, une fantaisie luxurieuse avait fait vibrer son cœur d’officier retraité.

Il avait dit à sa femme :

— Attends-moi deux ou trois minutes, en lisant le Charivari… Je vais jusqu’au passage Jougfroy… Tu me comprends ?

C’était une feinte. Il ne se rendait pas, le scélérat, au cabinet à quinze centimes du passage. La vérité est qu’il venait de voir passer une jolie impure dont la vue avait produit sur lui une brusque mais forte impression.

En quelques pas il avait rejoint la donzelle et lui avait glissé deux mots à l’oreille.