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LES TROIS COCUS

qui me fasse dormir cette nuit comme une masse de mille quintaux.

— N’ayez aucune inquiétude. Je ne dis pas qu’on pourra tirer le canon sans parvenir à vous réveiller ; mais vous serez dans un état de somnolence très convenable.

Et le docteur rédigea son ordonnance. Il y avait une bonne dose d’opium dans la potion qu’il prescrivait.

L’abbé paya sa consultation et courut tout droit chez un pharmacien. Il se fit confectionner séance tenante sa drogue et réclama l’ordonnance, qu’il alla porter ensuite chez un second pharmacien. Cela lui fit donc deux potions soporifiques.

Après quoi, il retourna à la basilique, chercher les vieilles filles.

Nul incident ne marqua la journée.

Le soir, Groussofski s’aboucha avec Chaducul.

— Vous êtes un heureux veinard, lui dit-il, vous, avec votre pensionnat de demoiselles ; mais j’ai trouvé, moi, du meilleur fruit…

— Ah ! bah !

— Une aventure piquante…

— Contez-moi ça.

— C’est dans notre hôtel… Chambre 83…

Il termina sa confidence dans l’oreille du vicaire de Saint-Germain-l’Empalé.

Chaducul rit beaucoup en l’écoutant.

— Et elle ne s’est doutée de rien ? interrogea-t-il quand Groussofski eut terminé son récit.

— De rien ; elle s’est laissé faire ; elle a avalé l’apparition comme si c’était une pilule au sucre de pomme.

— Quel numéro de chambre m’avez-vous dit ?

— 83… Et je vous le répète, charmante, délicieuse, adorable… Des formes de statue grecque !

Un quart d’heure après, il versait une confidence analogue dans l’oreille de l’abbé Huluberlu, affectant le même procédé mystérieux. Seulement, quand le curé se fit répéter le numéro de la chambre, Groussofski lui dit :

— Numéro 84.

Huluberlu avait la figure rayonnante.

Ce jour-là, le journal officiel du sanctuaire enregistra beaucoup de miracles.

Mais ces miracles n’étaient que de la petite bière : des entorses guéries, des torticolis soulagés, des lièvres calmées. Un double prodige, bien autrement considérable se préparait.

Après celui-là, il faudrait tirer l’échelle.