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LES TROIS COCUS

Mme  Bicoquet avait envoyé au bal de l’Opéra son bonhomme de mari, afin d’entendre pendant ce temps-là la lecture d’une tragédie, en cinq actes, du sultan de Zanzibar : la lecture devait lui être faite par l’auteur en personne.

M. Bicoquet s’ennuyait à six francs l’heure au milieu de la foule des masques, et, pour être reconnaissant à sa femme de la confiance qu’elle lui témoignait en l’envoyant dans un bal public, il n’avait pas encore fait la moindre invitation.

Or, parmi les danseuses, il y avait Céline Montaland, et, parmi les masques, il y avait un ours. Et cet ours avait l’œil plein de cruauté. Les danseurs se demandaient même avec effroi si ce n’était pas un ours « pour de vrai », échappé de sa fosse du Jardin des Plantes.

Quoi qu’il en soit, cet ours suivait d’un regard féroce l’appétissante Céline.

… Et, pendant ce temps-là, chez M. Bicoquet, le sultan de Zanzibar s’apprêtait à lire sa tragédie…

Soudain, l’ours qui tournait depuis longtemps autour de la proie convoitée, profite d’un quadrille et s’élance sur l’infortunée danseuse ; mais, — ô surprise ! — au moment où il allait atteindre Céline, une corne gigantesque s’élève entre elle et lui et le transperce de part en part.

C’était une magnifique corne en bois d’ébène du plus beau noir, qui venait de pousser subitement sur le front de M. Bicoquet.