Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
LES TROIS COCUS


CHAPITRE XXXI

OÙ LE PAPE PIE IX, QUOIQUE MORT, FAIT SES FARCES


Irlande et Scholastique dînèrent ce soir-là copieusement.

Leur aumônier les exhorta à prendre une nourriture abondante, et lui-même donna l’exemple.

Après le dessert, il ordonna au garçon de monter le thé à l’une des trois chambres.

— Du thé pour trois personnes, commanda-t-il, et un flacon de sirop de groseille.

Quand on fut dans la chambre, il dit aux deux sœurs :

— Nous prendrons le thé à la mode polonaise.

— Comment ça ?

— Avec du sirop en guise de sucre… Vous verrez… c’est succulent.

L’après-midi, Groussofski s’était fait monter un flacon de groseille, l’avait vidé dans le seau de la toilette, et avait remplacé ce sirop par la double potion soporifique qu’il s’était fait confectionner. Il était impossible, à l’œil, de s’apercevoir de la substitution.

Quand on servit le thé, il avait dans la poche le flacon ainsi préparé.

Le garçon déposa sur le guéridon de la chambre un plateau où se trouvaient la théière, trois tasses et du sirop de groseille.

Groussofski, afin d’écarter toute défiance de l’esprit des deux vieilles filles, se servit le premier et opéra le mélange. C’était loin d’être succulent ; mais, en goûtant le breuvage, il réussit à ne pas esquisser une horrible grimace.

Puis, il versa le thé dans les tasses destinées à Irlande et à Scholastique, et, au moment où il allait y mêler la groseille, il dit tout à coup :

— Diable, il y a ici un courant d’air ; on dirait que vous n’avez pas fermé vos fenêtres.

En effet, les fenêtres des deux chambres voisines étaient grandes ouvertes. Les vieilles filles coururent les fermer. Pendant ce temps, en un clin d’œil, Groussofski fit dispa-