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LES TROIS COCUS

Représentez-vous par la pensée ce confesseur interrogeant son pénitent et lui demandant, par une imitation mimique, s’il n’avait pas commis tel ou tel péché. Imaginez-vous le pénitent répondant au moyen du même langage interprétatif.

La scène était aussi édifiante que curieuse, d’autant plus que tout le public, qui venait à la sacristie pour acheter des scapulaires et des médailles, assistait à cette étrange confession et n’en perdait pas un geste.

Quand Groussofski eut absous le sourd-muet, il passa à l’église et rencontra Je bossu qui sortait.

L’abbé n’hésita pas à l’aborder.

— Mon ami, dit-il, vous venez sans doute à Lourdes pour obtenir une guérison ?

— Je viens par acquit de conscience ; mais je n’espère pas être redressé.

— Pourquoi cela ?

— J’ai déjà adressé mille prières à la Vierge, j’ai fait des neuvaines, j’ai passé des nuits entières au pied des autels, j’ai dit des milliards de chapelets, rien ne m’a réussi.

— Ce n’est pas une raison pour désespérer.

— Je suis allé en pèlerinage à la Salette, je me suis frictionné l’échine avec de l’eau de la source.

— À la Salette ?… Cela ne m’étonne pas que vous n’ayez obtenu aucun résultat !… La Salette, mon ami, est loin de valoir Lourdes.

— Enfin, je vous le répète, je suis venu ici par pur acquit de conscience, mais sans aucun espoir.

Un groupe s’était formé autour des deux interlocuteurs.

Groussofski leva un œil inspiré.

— Avec l’aide de Dieu, dit-il, les miracles auxquels on s’attend le moins arrivent !

— Celui après lequel je soupire n’arrivera pas, hélas ! répondit le bossu d’un air navré.

— Vous n’avez jamais, sans doute, été soutenu dans vos prières par une âme fidèle et compatissante ?

— Non, cela n’est malheureusement que trop vrai.

— Alors, mon ami, je vois pourquoi vous n’avez pas été exaucé. Voulez-vous que nous pliions ensemble ? Je vous offre mon concours dévoué. Deux voix se font toujours mieux entendre qu’une seule.

— Monsieur l’abbé, vous êtes trop bon ; mais votre offre me paraît faite de si bon cœur que je l’accepte.

— Eh bien, nous allons de suite commencer nos invocations.