Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
LES TROIS COCUS

collège, qu’il ne pouvait se faire à l’idée d’appeler sa femme « Briséis » au moment d’un épanchement amoureux.

Autant Laripette était opposé à ce mariage, autant sir Ship Chandler y tenait. Et notre homme était un crampon de première force.

Quand Robert voyageait de Londres au Cap et du Cap à Londres, sir Ship Chandler s’était arrangé, à chaque parcours, pour faire route sur le même paquebot que le fils de son défunt ami.

Le soir, tandis que tous les passagers prenaient le bon air sur le pont, il faisait appeler le docteur du bord. Robert arrivait.

— Eh bien ! quoi ? qu’avez-vous ? êtes-vous indisposé ?

— Pas le moins du monde, Je désire causer avec vous de mes projets de mariage.

— Je ne veux pas me marier.

— Vous avez tort. Robert. Ma fille est riche, je lui donne une dot de deux millions ; elle est jolie, intelligente, douer ; elle vous irait comme un gant ; elle a de l’inclination pour vous. Voyons, Robert, laissez-vous faire violence ; dites oui ; je vous réponds que vous serez le plus heureux des maris.

Laripette imaginait toutes sortes de bonnes raisons pour refuser les avances de sir Ship Chandler.

Il reconnaissait à Mlle Briséis toutes les qualités imaginables : mais il était, disait il, décidé à ne jamais se marier. Beauté, bonté, esprit, fortune, rien n’était capable de le faire manquer à la promesse qu’il s’était faite.

L’Anglais était navré, mais il ne perdait pas courage. Il suivait Robert partout. En vain celui-ci cherchait à lui échapper, sir Ship Chandler le poursuivait, s’attachait à ses pas, surgissait auprès de lui à l’instant où il s’y attendait le moins.

J’ai dit qu’en amour le docteur professait une théorie curieuse, empruntée à un livre de M. Alfred Naquet. C’est ici le cas d’exposer ladite théorie.

Ouvrez le livre de M. Naquet, qui est intitulé : Religion, Propriété, Famille, et vous verrez que le philosophe et savant sénateur du Vaucluse admet qu’un homme peut aimer sincèrement plusieurs femmes à la fois.

M. Auquel, après avoir posé ce principe qu’il y a trois sortes de beautés bien distinctes : la beauté physique, la beauté sentimentale et la beauté intellectuelle, dit ceci (3e étude, chap. II) :

« Est-il possible que l’amour s’exerce simultanément d’un homme à plusieurs femmes ou d’une femme à plusieurs