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LES TROIS COCUS

Elle lui avait dit ce mot de vaurien si gentiment !…

— Vous m’interdisez l’accès de la forteresse conjugale ? avait-il répliqué. Vous ne voulez seulement pas me donner la carte d’état-major indiquant la topographie, la position ?

— Cherchez, Paris est grand.

Tel fut son dernier mot, qu’elle accompagna d’un joyeux éclat de rire.

Il avait cherché et il n’avait pas mis grand temps à trouver. « Je suis dans la forteresse », avait lu le colonel en parcourant son Figaro ; car, grâce à un second versement de cinquante francs, Robert avait été mis, par l’agence de renseignements confidentiels, au courant de toutes les habitudes de Campistron. Et Pauline avait pensé avec un petit effroi mêlé de plaisir :

— Déjà dans la forteresse !… Il va bien, mon ami Robert !…

Par exemple, ce qui le jeta dans la stupéfaction, ce fut la mission du Placide. Le colonel désirait faire sa connaissance, et cela tout de suite. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?

L’entrevue le rassura promptement.

Mais il était écrit qu’il ne sortirait d’une surprise que pour tomber dans une autre. Il était à peine installé dans son appartement, et déjà il recevait d’une dame mariée un rendez-vous pour le lendemain ! et c’était le colonel en personne qui servait d’intermédiaire en cette amoureuse et lui !

Rien n’était plus étrange.

Rentré chez lui, il fit coucher Pélagie. Puis, il s’assit auprès de sa lampe, tournant et retournant la mystérieuse carte entre ses mains.

— Madame Gilda Pain cuit, disait-il, je ne connais personne de ce nom. Pas le moindre Paincuit dans mon passé…

Il fouilla tous ses souvenirs d’étudiant. Peut-être avait-il eu une amourette de quelques jours avec une Gilda, au temps où il suivait les cours de la Faculté ; sans doute, cette Gilda s’était mariée depuis ; de grisette folâtrant avec les jeunes gens du quartier latin, elle était tombée entre les bras d’un plumassier. Ce ne pouvait être que cela. Ce nom de Gilda ne lui revenait pas à la pensée ; mais cela n’avait rien d’étonnant, ses souvenirs en matière amoureuse étaient très confus, surtout ceux de cette époque. Gilda devait avoir meilleure mémoire : il n’avait pas changé de nom, lui ; il s’appelait toujours Robert Laripette ; il n’avait pas été oublié, quoi ! et on le réclamait.