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LES TROIS COCUS


CHAPITRE XII

MÉTAMORPHOSE RÉCIPROQUE D’UN POMPIER ET D’UN VICAIRE


Églantine était une luronne. Elle n’avait aucune intrigue avec le chapelier Suprême ; mais son péché mignon vivait sous les espèces et apparences d’un pompier, Philéas Grisgris.

Elle le recevait principalement quand Mme Mortier était à confesse. Cela lui faisait deux bonnes heures dont elle pouvait user et abuser.

Ce jour-là, Philéas pétillait comme du champagne. Il était tout guilleret et avait des idées anacréontiques.

— Depuis combien de temps la bourgeoise est-elle sortie ? demanda-t-il à la bobonne.

— Il y a juste une heure et quart que Madame…

— Nom d’un rat ! ma mignonne, nous n’avons donc que trente-cinq minutes à nous !… Faudra voir à bien les employer…

Et il prit Églantine par la taille et lui appliqua deux gros baisers sur les joues.

— Philéas, vous êtes toujours d’une pétulance !…

— Laisse-moi faire, mon Églantine… Du moment que c’est pour le bon motif, tu n’as pas à regimber.

— Oui-dà ! sous prétexte de bon motif, monsieur, vous avez joliment effeuillé déjà mon bouquet de fleurs d’oranger… À propos, veux-tu boire un petit verre de xérès… Madame en a reçu dernièrement six paniers… C’est du velours… En t’attendant j’ai bu quelques gouttes à ta santé !

Ce qu’Églantine appelait quelques gouttes équivalait à une demi-bouteille. Elle avait entamé un flacon, et, le Xérès étant exquis, elle s’était laissé aller à fournir bon nombre de rasades. Rien n’est traître comme le vin d’Espagne ; on s’imagine n’avoir affaire qu’à du sirop, tant il est moelleux ; puis, v’lan ! on est tout surpris de se trouver allumé comme si l’on avait lampé force cognac. Tel était le cas d’Églantine ; elle avait son léger plumet.

Tandis qu’elle allait prendre la bouteille commencée, Phi-