Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
LES TROIS COCUS

finiraient par éclater d’une manière désagréable pour lui.

Et puis, ça ne lui allait pas du tout, le costume de pompier.

Il se sentait mal à l’aise à l’intérieur de cet uniforme. Ça le grattait dans le cou, ça le gênait dans les entournures, ça lui faisait des plis dans le dos.

Cependant la fringale le secouait.

Il entra chez le premier marchand de vins.

— Pompier, dit le patron, il n’y a pas de porte-manteaux ; mais cela ne fait rien. Débarrassez-vous tout de même de votre casque. Il fait si chaud. Je vas vous le mettre sous mon comptoir.

— Merci, il ne me gêne pas. Je ne le quitte jamais. Une affaire d’habitude, quoi !

Le fait est que Chaducul ne tenait pas à montrer sa tonsure.

Il se commanda une omelette et des pommes de terre. Le fricoteur lui fabriqua quelque chose d’épouvantable. Quelle différence avec la cuisine d’Ursule !

Pour dessert, il choisit du gruyère. Pensez donc ! il s’agissait de ne pas dépenser plus de quarante-huit sous ; sans quoi, le patron réclamerait au premier poste de pompiers. Personne ne le reconnaîtrait. Il serait obligé de se nommer. Cela ferait un beau scandale.

Quand il demanda l’addition, le patron lui annonça un total île trente-sept sons. Il donna deux francs et laissa la monnaie pour le garçon. Quelle chance ! pour le coup, les quarante centimes qui lui restaient lui parurent une fortune. Rien sûr, il ne tes dépenserait pas dans la soirée.

Il remettait gravement son porte-monnaie en poche, quand sur le boulevard retentirent les cris : « Au hm ! au feu ! »

— Un incendie, dit le marchand de vins… Pompier, voilà votre affaire !

— Au diable l’incendie, murmurait l’abbé Chaducul, dans son for intérieur.

Et tous les clients de faire chorus.

Toutefois, il s’agissait d’avoir une fière contenance, de faire contre mauvaise fortune lion cœur.

— Où ça, le fou ? demanda-t-il. Où ça, qui j’y voie !

— À la rue de la Gaîté, répondirent plusieurs voix. Romuald s’élança dans la direction de la rue de la Gaîté.

Mais si le vicaire travesti en pompier trouvait désagréable

l’aventure, par contre le pompier travesti en vicaire bénissait la Providence qui lui avait octroyé si inopinément une soutane.