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ALPHONSE DAUDET

le faible, éludait le paradoxe. Son amour de la vérité le servait là comme ailleurs, le soustrayant aux préjugés, renouvelant sa vigueur logique. Les longues théories l’inquiétaient : « Passons au tableau. » J’évoque le mouvement de sa main qui déblaye les mots inutiles.

Du latin et du grec, il avait l’amour réel. Comme il admirait l’éducation et faisait d’elle un des grand ressorts de l’humanité, il s’élevait vivement contre les nouveaux pédagogues qui cherchent à restreindre l’usage des langues mortes : « Certains et certaines, s’écriait-il, possèdent le don inné du style, ont par instinct le goût, le tact des termes purement français qu’ils emploient. Telle cette admirable Sévigné. Telle ta chère maman. Mais c’est là l’extrême exception. La plupart retirent des études classiques un bénéfice que rien ne remplace. Celui qui sent Tacite, Lucrèce, ou Virgile est bien près d’être un écrivain. »

Tacite, à côté de Montaigne, se trouvait toujours sur sa table. Il en lisait peu à la fois, une page ou deux, puis traduisait avec un art que je n’ai connu qu’à peu de maîtres, MM. Hatzfeld ou Merlet, par exemple. Il a d’ailleurs, par la translation en français de l’admirable prose provençale de Baptiste Bonnet, donné la preuve de son adresse. Quant à ce qui est des Annales, je l’ai vu, pen-