Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
ALPHONSE DAUDET

versations d’Eckermann, qui furent un long temps son bréviaire (car il variait ses amours intellectuelles et ne montra qu’à Montaigne une fidélilté continue), les Conversation d’Eckermann renferment plusieurs développements de cette pensée. Mon père se rangeait à l’avis de Gœthe dont la devise : « Vérité et poésie » lui semblait résumer la sagesse humaine. Il disait aussi « rien de trop », et la santé d’esprit, la haine de l’excessif qu’on remarque chez la plupart des méridionaux avaient en lui leur expression la plus haute. « Avec Gœthe contre Jean-Paul » ; que de fois avons-nous discuté ces tendances : « L’art, m’objectait-il, n’est pas seulement l’expression d’un tempérament. Il est aussi une maîtrise et une composition de soi-même. Celui qui ne bannit pas de son esprit les spectres, est bientôt dévoré par eux. »

Quand nous étions sur ce sujet, nous glissions rapidement à la composition, à la structure de l’œuvre, auxquelles il accordait une importance capitale, condition selon lui de la durée : « Un livre est un organisme ; s’il n’a pas ses parties en place, il meurt et son cadavre est un scandale. »

Et, comme il avait la préoccupation d’ordonner ses romans ou ses drames, il voulait aussi harmoniser sa vie intérieure ou manifeste. L’afflux de connaissances et de lumières lui semblait nécessaire à cette norme.