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ALPHONSE DAUDET

tortures, les hontes, les infamies, spécialise les figures, les grimaces, les mots définitifs et gravés sur la chair ardente. L’or ne donne aucun des bonheurs fonciers, primordiaux et réels, aucun. En revanche, il contrarie la nature, creuse la ride et le bourbier, déchire et corrompt. Les économistes racontent qu’il circule, oui, comme le curare ou l’opium, engourdissant, rendant lâche ou furieux, abêtissant celui qu’il exalte, ne s’amoncelant que pour la ruine, ne s’accumulant que pour le vice. La prééminence de l’Intérêt, comment il trouble la passion, tel est l’Enfer de l’Évocateur à qui nous devons tant de chefs-d’œuvre. Ses livres nous grisent comme un alcool qui serait la distillation de l’or, submergerait cœur et cerveau. »

« Quand je passe devant une magnifique demeure, hôtel ou château, parc aux eaux jaillissantes, je me demande ce que cela cache de douleur et de désordre. » Il croyait qu’en littérature l’arrivée rapide de l’argent fut chose mauvaise, détournant l’artiste de sa vraie voie, qui est de se perfectionner, selon sa propre nature, et d’après sa conscience, sans nulle visée pécuniaire.

Ce qui le préoccupait avant tout : la responsabilité de l’écrivain : « Notre époque joue terriblement avec des forces imprimées pires que les explosifs. » Je découvris un jour, sur un de ses