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VIE ET LITTÉRATURE

« petits cahiers », une liste des injustices sociales, des principaux torts à combattre : « Je l’ai dressée, m’avoua-t-il, en vue de sujets de livres. Or, s’il est une chose consolante, c’est qu’en face de chaque abus se dresse un faible, oh ! bien faible essai de réparation. Tantôt une œuvre, tantôt un simple cri, tantôt un murmure. En dépit de l’universel égoïsme, il est des oreilles et des yeux pour la plupart des trop grands scandales. Malheureusement, l’humanité compatissante dispose de ressources restreintes, ne peut être partout à la fois. »

Il revenait alors à la politique des « marchands de phrases », qui, au lieu de s’occuper uniquement à soulager les détresses sociales, ne s’absorbent que dans les scrutins : « Un tout petit peu chaque jour, telle devrait être leur devise. Mais ils s’inquiètent bien de cela ! »

On devine qu’il fut libéral et le plus libre des esprits, encore qu’attaché à la tradition, mais une étiquette parlementaire lui eût été aussi insupportable qu’une étiquette littéraire. Il s’indignait seulement qu’on l’accusât d’avoir sali la mémoire de son ancien patron, le duc de Morny : « Je ne me mêlais point des affaires. J’occupais une sinécure d’homme de lettres. Je suis certain de n’avoir pas écrit une ligne du Nabab qui eût déplu au duc vivant. » De fait, le Nabab est un