Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
VIE ET LITTÉRATURE

du moindre embellissement, joyeux de montrer « son domaine ».

C’est là qu’il faut le voir et l’entendre, excité par la grande nature, attentif au chant des oiseaux, à la crécelle des grillons, aux jeux de la lumière, aux frissons du feuillage. Pour mon tout jeune fils, son petit Charles, et pour ma sœur Edmée, il improvise d’extraordinaires histoires où tout ce qui nous entoure a son rôle, des récits magiques et charmants qui mettent la beauté des choses au niveau de ces frêles intelligences, les émeuvent, les tiennent attentives jusqu’à clore les petits regards, pour mieux savourer. Il est là qui palpite, le secret de son génie ; il touche ces âmes commençantes en quelques paroles justes, en quelques naïves images dont les répondants sont près de nous. Voici le mot, et voici l’objet. Il anime jusqu’aux grains de sable, aux brindilles de bois, aux écorces. Il affirme que cet insecte a emporté la fin du conte et il ajuste son monocle pour suivre le voleur. En ce qu’il organise ainsi, pressé par les mains mignonnes et les « encore papa, encore grand-père », en ces tableaux familiers et féeriques, on retrouve son art subtil et simple, aux mille nuances délicates, tel qu’une de ces fleurs qui embaument.

Quand décroît la chaleur du jour, nous partons en voiture, dans le landau familial. Ma mère a le