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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

Bien qu’appartenant à cette mixture confuse, barbare, empêtrée qu’est la race germanique, Gœthe, exception illustre, fut de la grande lignée des héros intérieurs. Il nous dit qu’il tenait de son père la stature et la conception sérieuse de la vie ; de sa mère, la joyeuse nature et le don des fables et récits. Mais il n’eut rien d’un hérédo, et dès son adolescence, parmi des crises sentimentales et intellectuelles violentes, dont il nous a laissé l’attachant récit, il cherche la maîtrise psychique et la sérénité. Sa méthode spontanée était curieuse : il se reprenait, en se donnant ; il se dépensait sans cesse, littérairement et philosophiquement, afin de se reconquérir. Une volonté claire et méticuleuse bridait et ordonnait sa vaste imagination. La clé de toute son œuvre, le problème qui l’occupa sans cesse, et qu’il a exposé dans ses deux Faust, est celui de la reviviscence, c’est-à-dire de l’échappement du soi au moi. Il y revient dans sa correspondance, notamment avec Schiller et avec Zelter, et dans ses entretiens avec Eckermann, sous les formes les plus variées, les plus capiteuses, les plus détournées, les plus ingénieuses, comme quelqu’un qui, dès l’âge de sept ans, se serait