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L’HÉRÉDO.

prodigalité, elle me répliqua : « Je ne voulais pas faire de la peine à M. X… en refusant, ni me déshonorer en gardant cet argent que je n’avais pas gagné. » Ainsi pratiquait-elle l’aumône fleurie. Son risque consistait en ceci qu’elle pouvait et devait être souvent dupe, mais cela lui était profondément égal. J’ajoute qu’elle demeurait gaie dans l’enfer, qu’elle chantait de vieilles chansons auvergnates — elle était des environs de Riom — grises et usées quant à la mélodie et à la trame des mots, et qu’elle était gourmande de chocolat à la crème. Elle chérissait ses malades, mais ne les revoyait jamais « de crainte qu’ils ne se crussent obligés à la reconnaissance ». Elle me rappelait, à son humble et magnifique étage, le professeur Potain, dont j’ai conté ailleurs la charité héroïque et sage.

Or, Marie avait le don de l’introspection. Fille d’une mère nerveuse et d’un père usé, elle me racontait comment elle dépistait et pourchassait dans sa conscience toute tentation, de quelque ordre qu’elle fut, afin — ajoutait-elle — « de ne pas être esclavagée ». C’était là sa grande préoccupation. Elle savait que ce qu’il y avait de meilleur en elle était né