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L’HÉRÉDO.

Ronsard, ceux-ci dominer celui-là. J’ai nommé Charles Baudelaire.

Il n’y eut pas d’homme plus hanté que Baudelaire par les furies de l’hérédité, il n’y en eut pas de plus tiraillé entre des personnages différents, superposés à son personnage. Procurez-vous son portrait. Examinez ce masque glabre, aux lèvres minces, ce grand front, ces yeux profonds et durs. C’est un visage en cinq ancêtres, un visage prêt pour toutes les grimaces de la concupiscence inassouvie et comme une carte muette des multiples influences congénitales, qui viendront s’y inscrire simultanément ou à tour de rôle.

J’ai interrogé des contemporains, une contemporaine. Baudelaire était déconcertant par ses changements et sautes d’humeurs, ce qui est le signe des grands hérédos. Charmant et séduisant au possible, quand il était sous une bonne emprise, il devenait acariâtre et odieux quand un mauvais ascendant l’empoignait. Je glisse volontairement sur les fâcheux tours que lui joua un instinct génésique toujours en éveil et en inquiétude, qui l’inclinait vers l’exceptionnel, la femme damnée, la femme de couleur, les images morbides, les