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L’HÉRÉDO.

cence. Côté soi, le mot est à lui tout seul un moteur d’actes sages ou héroïques. Quand le moi, dans le mot, l’emporte sous ses formes péjoratives, il mène à l’obsession et à la folie — surtout alors que l’instinct génésique le gonfle et le fait éclater à travers l’esprit. Quand c’est le soi raisonnable qui l’emporte, le mot grave la loi et administre la cité. Dans le premier cas, le mot anarchise : dans le second, il hiérarchise.

Dans le langage, le soi joue le rôle du chant, le moi celui de l’accompagnement. Le verbe, quand vient la phrase, relève en général du soi. Les pronoms, substantifs et qualificatifs traduisent les alternatives variées du moi et des hérédoprésences. La phrase elle-même est un petit système verbostellaire, réglé et dominé par le soi. Le style peut être considéré comme un ensemble de ces systèmes verbostellaires, eux-mêmes gravitant en compagnie des hérédofigures, et où le soi est constamment vainqueur. Ce qui n’empêche que, chez le meilleur écrivain aussi, le ciel intérieur soit parsemé d’éclats et de débris héréditaires, où l’automatisme se manifeste sous forme de tics et de réflexes variés.