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L’HÉRÉDO.

modèle d’une délivrance totale de la personnalité dans une œuvre. L’auteur, en écrivant le dernier mot de la dernière ligne, le mot « jardin », dut s’écrier : « Ouf ! ça va mieux ! » Ainsi donc, si l’exactitude du mot est une suite de la vigilance du soi, il n’en est pas tout à fait ainsi de la correction de la phrase ou de la période, qui tient plutôt à l’épuration, chronique ou passagère, des hérédismes. C’est que la phrase n’est pas seulement une juxtaposition, mais bien plutôt une gravitation de mots, donc d’hérédosphères, devant le soi.

Le mouvement de la phrase, ample et harmonieuse, traduit la prédominance du soi ; désordonnée et emportée, la victoire du moi et des hérédismes. Le premier type correspond en général aux auteurs dits classiques, le second aux auteurs romantiques, sans que cette distinction ait rien d’absolu. Il est certain toutefois que Racine, pour ne citer que celui-là, proportionne son élan verbal à la circonstance dramatique, par un esprit de mesure qui ne nuit pas à l’expression, au contraire. Au lieu que Hugo appelle les quatre éléments et la foudre autour d’une