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LE MOI ET LE SOI.

d’or d’une ratiocination contradictoire ? Il s’amuse bien quand il hésite. Mais, dès qu’il affirme, quelles délices ! Jusqu’à ce qu’une affirmation de sens opposé l’ait rassuré sur sa faculté de balancement, de tiraillement toujours intacte. Car Renan, ainsi qu’il apparaît dans ses intéressants dialogues philosophiques, fut un tréteau pour la parade du moi. Comme il assistait aux répétitions d’un petit à-propos assez niquedouille, d’un 1802, donné à la Comédie-Française en l’honneur de Hugo, je l’entendis déclarer qu’il ne s’était jamais autant diverti. Je crois bien ! Il pouvait animer enfin la conversation de ses personnages intérieurs, voir en chair et en os leurs débats. Avec quel bonheur il serrait contre ses énormes joues, dans la personne de ses comédiens, monsieur Pour, madame Contre, mademoiselle Peut-Être-Bien !

On n’imagine pas l’influence de Renan sur la génération qui suivit, celle de Jules Lemaître et d’Anatole France. Il en résulta une divinisation du moi — dont le dernier écho retentit dans les premiers ouvrages de Barrès — et de ses décevantes arabesques de reviviscence intérieure. Cette divinisation coïncidait