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LE RÉVEIL DES HÉRÉDISMES

rythme, tant de formes confuses, un si grand écoulement de silhouettes morales. Sans doute le saint aussi cherche le désert, mais c’est dans une intention de résistance, afin d’y consolider son soi, à l’abri des tentations mondaines, alors que le désir de l’hérédo est précisément de s’abandonner et d’oublier son soi dans l’éparpillement ancestral. Le type de ces isolés lyriques est le poète américain Walt Whitman, qui a pris comme devise : « Soi-même et en masse » et en qui on peut relever, une à une, toutes les tares de l’hérédo de choix, aussi bien quant au contraste habituel d’une forme riche et d’une idée pauvre, que quant à l’aliénation morale.

Ce n’est pas qu’il n’y ait dans ses Brins d’herbe et Roulements de tambour des élans d’une singulière puissance. Mais le dérèglement, même prosodique, y est conçu comme une beauté de plus. Mais l’obscurité volontairement cherchée — c’est un stigmate des hérédos — gâche les plus belles pièces, celle par exemple des Dormeurs. Mais à chaque instant la pensée fuse, s’évanouit, se transforme, comme happée par un démon invisible, qui gîte au centre du moi de l’auteur.