Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
L’HEREDO.

Son cas singulier et exemplaire est celui d’un contemplatif en qui s’éveillent à la fois une multitude de gens de métier, marins, terriens, mécaniciens, nomades, menant la ronde des métaphores, sans se soucier de la raison. Si cette inspiration héréditaire déréglée faisait école, elle serait la fin de toute poésie, au même titre que la sécheresse.

L’expérience et l’observation nous montrent aussi dans la cinquantaine, âge critique, un nouvel assaut de l’hérédité. J’ai remarqué que l’appréhension, puis la peur de la mort agissent ici comme stimulants des reviviscences congénitales au sein du moi. Combien de gens posés, tranquilles, ayant mené, jusqu’aux approches de la cinquantaine, une existence ponctuelle et raisonnable, deviennent subitement débauchés, joueurs ou paresseux, ou tombent dans une avarice sordide, dans une rapacité diurne et nocturne ! Il n’est pas malaisé alors, pour leur entourage, de retrouver l’oncle ou le grand-père, dont les défauts ou les vices revivent en eux, en même temps que leur visage revêt ce masque trouble, mêlé de concupiscence et de dureté, qui est le symptôme physique de l’emprise.