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LE COMBAT DES HÉRÉDISMES.

liante, bredouillante, les changements de ton et d’accent de cinq ou six ancêtres tyranniques, auxquels il cède tout le terrain, avec des yeux exorbités d’épouvante. C’est que, polie, courtoise, onctueuse chez un Renan, la contradiction des fantômes était, chez Nietzsche, hargneuse, rageuse et furibonde, ainsi qu’il sied à des reviviscences, plus ou moins hagardes, de haines de races, la slave et la teutonique.

Pendant que je suis sur ce sujet, je signale, — comme différence et opposition ethnique au sein des éléments héréditaires du moi, — le cas, exceptionnel, de Pouchkine, descendant croisé, dit-on, de Russes et d’Éthiopiens. D’où un frottement de sensibilités différentes et un style en quelque sorte à deux goûts, dont les connaisseurs se déclarent enchantés. Il y a une catégorie du lyrisme qui pourrait bien relever directement de ce contraste, de ce combat, des composantes congénitales. La saveur originale et décevante de Henri Heine est faite de deux personnages au moins, l’un expansif et mélodieux comme une sirène de la mer du Nord, l’autre ironique, intempestif et pessimiste comme un manieur d’argent du ghetto, qui se partagent les cordes de sa lyre.