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L’HEREDO.

le sentiment, j’en ai connu un qui n’entreprenait quelque chose d’important que quand il se sentait sous l’influence de sa mère, femme d’un rare bon sens, et qui s’abstenait de toute initiative, aussitôt qu’il se sentait hanté par son père, homme léger, inconsistant et gaffeur.

Car, de même que quelques malades possèdent la faculté endoscopique de voir et de décrire exactement les lésions de leurs viscères — Sollier en cite des exemples très nets — de même quelques hérédos voient et sentent leurs hérédités différentes et composent avec elles. Il s’agit en général de gens d’une extrême acuité psychologique et adonnés à l’observation. Un garçon d’une trentaine d’années, qui adorait son père vivant, l’exécrait quand il le retrouvait en lui, comme dominateur de son destin. Le père mourut, et cette haine fit place à une sorte de narcissisme attendri, de culte rendu au fantôme intérieur du cher disparu. Un autre conversait avec son psychisme maternel, dont il reconnaissait l’approche mentale, comme avec une personne vivante. Sans doute entrait-il dans ces cas, à la longue, quelque affectation. Le fond n’en était pas moins vrai.