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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

à dia, et ces disputes quotidiennes lui semblaient infiniment plus pénibles que son effort surhumain pour gagner la guerre. C’est alors que se produisit un événement qui devait jouer, au soir de sa vie si remplie, un rôle intellectuel et moral considérable. (19 février 1919.)

Comme il sortait de chez lui ce matin-là, en voiture non blindée — il n’avait jamais voulu consentir dans Paris à cette élémentaire précaution — un individu, qui le guettait depuis quelques jours, bondit de derrière une vespasienne au coin de la rue Franklin et du boulevard Delessert et tira plusieurs balles dans sa direction. Une seule de celles-ci, heureusement, pénétra dans le dos, où elle alla se loger près du poumon, sans léser aucun organe important. Mais on remarquait, nous dit le général Mordacq, dans le paletot du président, trois orifices de pénétration de projectiles. Les deux autres balles s’étaient perdues dans les vêtements. L’auteur de l’attentat, un nommé Cottin, était certainement un de ces tueurs, ou indicateurs, comme il en flotte dans les ténèbres de la police politique, dans ce que Shakespeare appelle « les parties honteuses dans l’ombre ». Ayant eu mon fils Philippe, âgé de 14 ans 1/2, mon collaborateur et ami Marius Plateau, assassinés indubitablement par la police de Sûreté Générale, ayant suivi de près ces deux affaires, que la magistrature de la République essaya, mais en vain, de dissimuler et d’étouffer, quant à leur origine, je possède là-dessus une documentation que j’ose dire sans rivale. C’est par miracle que, guetté comme il l’était, Clemenceau ait échappé à la mort. Là encore se montra la Providence.

Il se trouva que, le jour de l’attentat, le préfet