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LE MONDE DES IMAGES.

de marbre, l’intensité des horizons et des aspects rustiques semble formée de plusieurs plans, dont chacun ressortirait d’une génération. Cette ferme, ce champ sont vus et décrits ainsi que par un fils qui utiliserait, outre ses sens, ceux de son père, de son grand-père, de son aïeul, ceux de la lignée maternelle, sur deux siècles d’impressionnabilité oculaire à travers une famille de paysans. Cela est inclus dans la fameuse dédicace à Lamartine, où il est dit, en parlant du poète sacré :

C’est un raisin de Crau qu’avec toute sa rame
Te tend un paysan…

Toute sa rame dans le temps, et non pas seulement dans l’espace.

On a dit de l’Iliade d’Homère qu’elle était le produit de plusieurs poètes. Il se peut aussi qu’elle soit le produit d’un même poète, hanté par plusieurs générations d’images poétiques, l’œuvre en commun d’un pédigrée lyrico-épique. L’image en écho ascendant à travers la parenté, voilà une explication du sentiment de peuple en rumeur, qu’éveille en nous un vers de l’Iliade, de l’Enéide ou de la Divine Comédie. Tout de suite, et concurremment, la question se pose : le rythme poétique n’est-il pas le dépôt, chez le poète, que gouverne un soi puissant et harmonieux, de tous les rythmes respiratoires, cardiaques et sanguins de ses principales personimages, une cadence morale issue de nombreuses cadences organiques, transmises héréditai-