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LE MONDE DES IMAGES.

les autres en rébellion. Un heureux résultat est atteint quand l’unanimité se fait, par une vague d’émotion communiquée, entre toutes ces hérédofigures, ainsi qu’entre les divers instruments d’un orchestre.

4° Quels que soient l’auditeur et l’auditoire, il se produit, de l’un à l’autre, des passages de l’attention à l’inattention et de la réceptivité à la non réceptivité. Le même phénomène se produit, au théâtre, entre les acteurs et les spectateurs. L’art consiste à utiliser et exploiter à fond les périodes d’attention et de réceptivité, à franchir, sans insister, les autres.

5° La fatigue oratoire (si particulière, et que Gambetta comparait, assez exactement, à celle qui suit la conjonction amoureuse) est la somme de toutes les petites dépressions de l’après-mot. Cette fatigue, tenant aux mêmes causes, est bien connue de l’écrivain, auquel elle peut, dans les cas extrêmes, communiquer une sorte de vertige.

Mon père me racontait, à ce sujet, que les dernières lignes d’un chapitre ou d’un livre correspondaient toujours, chez lui, à une sorte de dépression générale, accompagnée du sentiment de la délivrance. Extrêmement laborieux, se levant parfois à quatre heures du matin pour commencer sa tâche (notamment à Champrosay, quand il travaillait à Jack,) il utilisait cette griserie cérébrale, que donne l’évocation continue des parcelles d’une hérédofigure ou de plusieurs hérédofigures. Le concret, chez lui, l’emportait de beaucoup sur l’abstrait ; mais le don prin-