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LE MONDE DES IMAGES.

apparaît, avec une netteté singulière, chez des écrivains ayant une grande prétention à la sincérité, tels que Chateaubriand, Stendhal ou Hugo, alors qu’elle est moindre chez Balzac, plus épris de la découverte, du débordement inventif, que de la posture avantageuse : « Ah ! comme je suis sensible et sonore ! » crie l’œuvre de Chateaubriand. « Ah ! comme je suis complexe et retors ! » crie celle de Stendhal. « Ah ! comme je suis doux et terrible à la fois ! » crie celle de Hugo. L’œuvre de Balzac crie : « Comme c’est amusant de se dépenser ! » C’est plus intéressant pour le lecteur.

Ouvrez un écrivain d’une réelle sincérité, tel que Montaigne, tel que Pascal, tel que Descartes. Les mots sont choisis, non à la sonorité, mais à la propriété, à la racine, pris dans leur sens étymologique, véritables prélèvements opérés sur la mémoire héréditaire par des sensibilités frémissantes, que gouverne une raison équilibrée. Le Discours de la méthode a l’air du développement d’une pensée contenue dans un seul mot, telles ces figures, que forment sur le stade les gymnastes américains, avant de se déployer en exercices divers.

Le mot juste et fort, adéquat à la pensée, emplit l’être, comme le vin d’or la coupe de Ronsard. Non seulement il le remplit, mais il l’anime et le colore, portant, dans tout son organisme, la certitude et la sincérité. Observez le visage, l’attitude, le geste de celui qui, au moment voulu, l’a prononcé, et, par là même, s’est affirmé chef. Observez l’attitude