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LE MOT ET CE QU’IL ÉVOQUE.

les a baptisées quelquefois psittacismes. Le terme de « neurone », et les prétendues déductions qui en découlent, sont autant de psittacismes ; avec cette différence, à l’honneur du perroquet, qu’il ne fait pas de son « bonjour, Jacquot » une doctrine englobant tout le puissant et délicat mécanisme de la pensée humaine. J’ai raconté ailleurs l’histoire d’un aliéné, qui attribuait tous les maux dont souffre l’humanité au dessèchement invisible et progressif du lac Léman. Cette doctrine scientifique était intitulée par lui le Sortège (sans doute pour « sortilège ») du Lémana. Beaucoup de verbomanes, qui ne sont pas fous, se contentent cependant d’explications analogues au Sortège du Lémana.

La synonymie est une opération mentale, par laquelle la mémoire individuelle, cherchant un mot précis dans la mémoire héréditaire, en rencontre et en saisit un autre de sens analogue, voisin, ou presque identique. La synonymie est une approximation d’image, quelque chose comme un écho déformé. L’homme de lettres, le brillant causeur, l’orateur connaissent également bien cette substitution soudaine du terme à peu près juste au terme tout à fait juste, à la suite d’une hésitation dans l’avant-mot. Mais il est un cas singulier, et assez fréquent, qui est celui où l’absence momentanée du mot nous pousse à en choisir un autre, de sens exactement contraire, et à nous engager ainsi dans un raisonnement, ou dans une affirmation antinomiques à notre première intention. Un pareil faux-pas, re-