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LA CONCEPTION CRÉATRICE.

séparée, distincte, exceptionnelle, d’une refonte du tout, que de l’aboutissement d’une série de retouches et de perfectionnements. Il y a une hiérarchie dans les hypothèses. Celle de l’évolution est enfantine et rudimentaire. Il ne faut pas s’étonner qu’elle ait mené ses adeptes à une sorte d’hébétement psychologique, ainsi qu’il ressort des nombreuses études consacrées, depuis 1860, à la volonté, à la personnalité humaine, à l’intelligence et au prétendu Inconscient.

L’art est une création, la science en est une autre, la littérature en est une troisième. Ce que nous avons dit de la formation du mot, de la phrase et du style dans l’esprit, montre que nous rattachons la conception littéraire à la conception tout court, et le développement du langage à celui de l’être, corps et idées, celles-ci précédant et dominant leurs prolongements somatiques et organiques. C’est pourquoi je confère à l’étude approfondie des grands écrivains une importance encore beaucoup plus grande que ne l’ont fait la plupart des critiques, voyant en eux la clé des principaux problèmes du monde intérieur. C’est pourquoi il y aurait un ouvrage spécial à consacrer aux grands écrivains mystiques, chez qui la foi apparaît ainsi qu’une perception nette du divin à travers la mémoire héréditaire, devenue merveilleusement translucide. Qu’est-ce que la Somme de saint Thomas d’Aquin, sinon une immense projection de cette mémoire héréditaire, à tous ses échelons,