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LA CONCEPTION CRÉATRICE.

arrive à tourner toute une existence humaine, depuis la rencontre de l’ovule par le spermatozoïde, jusqu’à la mort âgée. Puis, qu’un mécanisme spécial permette de dérouler ce film en quelques secondes. Alors son caractère explosif apparaîtra. Cette existence, la plus simple comme la plus mouvementée, devient semblable à une gerbe de penchants et d’événements, qui monterait, puis retomberait, mais non sans avoir communiqué son mouvement à une autre combinaison explosive, issue d’elle, et ainsi de suite. Les générations sont comparables à une succession de déflagrations. Les chefs d’œuvre littéraires aussi, et il faut ranger, parmi les chefs-d’œuvre littéraires, les grandes déterminations historiques traduites en mots.

Cette analogie, allant jusqu’à l’identification entre les deux genèses, la vitale, la littéraire, va plus loin qu’on ne pense. Elle nous permettra, par l’examen analytique de certaines modifications littéraires, de conjecturer des modifications vitales correspondantes ; à peu près de la même façon que l’observation mathématique des astres permet de conjecturer celle des atomes. Il n’y a rien, dans le produit supérieur et complet de l’esprit humain, qui ne se retrouve dans le produit de la conjonction de l’homme et de la femme. Pour découvrir cette correspondance, souvent cachée, pour traduire la vie littéraire, ou conçue, en vie vécue, il suffit de se rappeler que le verbe est une image d’images, la fécondation d’un élément de la mémoire hérédi-