Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
LE MONDE DES IMAGES.

mots correspondant à ce geste. La paralysie est l’amnésie d’un geste ou d’un groupe de gestes. L’aphasie, l’anarthrie sont des éclipses entre les hérédofigures, leurs segments verbaux, et le soi. Selon le segment sur lequel porte l’éclipse, il y a cécité verbale, surdité verbale, ou agraphie. Nous voici loin, comme on le voit, de l’absurde conception matérialiste de Broca, même rectifiée par Charcot et son école.

Le regard, considéré non plus comme récepteur, mais comme émetteur, est une issue des images, intermédiaire entre le geste et le mot. Le monde extérieur se peint sur lui et il nous dépeint le monde intérieur, l’état d’âme, avec une éloquence qui va parfois jusqu’à la précision : Chez le tout jeune enfant, le regard, dans la frayeur, dans le désir, le reproche, la joie et la honte, signifie déjà des sentiments qui ne projettent pas encore leurs mots. Le regard terne, las, soupçonneux, des mélancoliques, permet de poser le diagnostic à distance. Il en va de même de celui de certains invertis, hommes ou femmes, chez qui une acuité trouble du regard, dans la région circumpupillaire, trahit un malaise indicible et sexuel. Il en est de même, avec une légère différence, dans l’intoxication chronique. La fausseté, la duplicité, le mensonge, l’arrière-pensée se lisent aisément dans les yeux des hommes, plus malaisément dans ceux des femmes, accoutumées à feindre par l’état de demi-servitude. Enfin la mémoire héréditaire peut donner aux regards