Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/232

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ou histologique, devenu lui-même stagnant depuis quelques années. Le rythme oublieux, comme le rythme mnémonique, dépendent ici encore de la reviviscence des figures héréditaires au sein de telles et telles personnalités humaines, dont le génie rallumera les flambeaux et chassera l’ombre. C’est, en matière de connaissances, le pendant du rôle des poètes en matière de sentiments et de formes verbales. Mais, dans tout poète vrai, il y a un savant et, dans tout vrai savant, il y a un poète. Car une des formules les plus pénétrantes qui aient été énoncées, c’est que « toute science est une langue bien faite », une langue où les mots (images d’images) sont remplacées par les lois, images doubles de mots et de circonstances.

L’examen des trois degrés d’ombre (omission, oubli, amnésie), nous amène à conclure que l’homme n’utilise qu’une bien faible partie de ses immenses ressources intellectuelles, morales, fonctionnelles et organiques, et n’utilise presqu’aucun des liens que ces immenses ressources ont entre elles. Chacun de nous possède un engrangement héréditaire formidable et ne vit même pas du revenu, ni du revenu du revenu du revenu de ce capital immense. Les mieux réveillés d’entre les dormeurs à station verticale, et à langage articulé, le sont encore bien peu par rapport à ce qu’ils pourraient être, s’ils cultivaient seulement la millième partie de leur champ d’images. J’écris ces livres pour donner du cœur à ceux qui voudraient tenter l’aventure.