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L’ÉLIMINATION DES PERSONIMAGES.

Mais son attitude habituelle était celle du dormeur éveillé.

De même que le radium, sur un long espace de temps, s’use et se dissipe en bombardements moléculaires, de même les personimages le plus souvent évoquées par le soi finissent, sur la durée de plusieurs générations, par se dissiper dans la fluorescence des rêves. Il y a ainsi pour chaque être humain, une partie immortelle et intransmissible, et une partie transmise, qui est caduque. La première est composée de la sphère idéale et incandescente du soi, sans prolongements somatiques ni fonctionnels ; la seconde est composée de sphères d’esprit-corps. Chacun de nous est à la fois immortel pour une partie de sa personnalité, et pour l’autre, prolongé dans ses descendants, s’il en a. De la première, part découle, dans l’esprit, la catégorie de l’absolu de la seconde celle du relatif. L’absolu attire l’absolu et repousse le relatif. Le relatif attire le relatif et repousse l’absolu.

Il en est de l’image dans le sommeil, comme de l’image dans l’état de veille : elle n’est jamais isolée, elle est toujours adhérente à une sphère héréditaire, et celle-ci, en tournant, amène d’autres segments à la fluorescence de la nuit intérieure. D’où l’incoordonné du songe et la bizarrerie des relations qu’il établit parfois entre certaines parties fort diverses des souvenirs et de l’entendement. Il n’abolit pas la raison, qui continue à fonctionner dans les pires cauchemars, comme une ultime res-