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CONCLUSION.

qui s’inscrit en lui de la nature. Sinon il s’abandonnera et disparaîtra, broyé par les enfants, devenus homicides, de ses images. La Providence entend que jusqu’au bout il demeure le maître de ses destinées. Il n’est donc pas de dogme plus faux que celui du progrès indéfini de l’homme, que celui de la science toujours bienfaisante. L’homme est soumis à des régressions, à des stagnations, qui tiennent à des troubles et à des accidents dans la gravitation de ses images, ainsi qu’à l’affaiblissement du soi. Certaines idées absurdes, issues d’hérédofigures funestes, peuvent prendre tout à coup (par le retentissement înterhumain et la communion partielle des hommes porteurs de ces images, à une époque donnée), une importance extraordinaire et catastrophique. D’autres idées fausses, moins violentes, tout aussi nocives, peuvent s’infiltrer lentement dans la connaissance et tout retarder. Enfin nous venons de voir que la science, détachée de l’homme et devenue indifférente à l’homme, peut aussi se retourner contre lui et le blesser cruellement, à la façon d’une boîte de coutellerie ou de poisons, mise entre les mains d’un enfant. Brunetière avait parfaitement tort de nier ou de contester l’importance primordiale de la science, qui est, après le mot et la poésie, la plus grande invention humaine. Berthelot avait parfaitement tort de croire que la science renferme ou confère la sagesse ou le bonheur. La science est un fait d’universalisation ; la sagesse un fait individuel, et qui tient à l’équilibre en nous des personimages, à