Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/41

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qu’une même image intérieure, comique ou exagérément tragique, semble ne pouvoir s’user devant le rire ? C’est un exutoire du pathétisme. L’esprit se représente violemment, alors qu’il est tourné vers l’indifférence, telle circonstance désordonnée, heureuse ou malheureuse, mais extrême, qui met en mouvement, au paroxysme, toute la machinerie musculaire et glandulaire de la gaîté et de la satisfaction. Cela peut aller paradoxalement jusqu’à la fatigue et à la douleur. Ceux qui sont en proie au fou-rire et qui se repaissent de ses contorsions, larmes et grimaces, remarquent qu’il existe toujours à son origine, quelque chose d’inexprimé, d’inexprimable, où se réalimente sa frénésie. Ce quelque chose est un hérédisme, une imagination, une reviviscence pathétique. Quand l’image s’atténue et s’efface, le calme revient, mais instable, comme menacé à chaque instant par une réapparition-burlesque, et accompagné de : « Oh que c’est bête… oh que ça fait mal… oh là là, mon Dieu », caractéristiques.

L’état de superstition chronique s’apparente également au pathétisme. La superstition est une image, fugace, immobile ou obsédante, qui nous représente, comme liés à notre sort ou au sort d’autrui, des figures, des chiffres, des objets, des airs de musique, etc… qui nous les fait rechercher — cas des philies — ou redouter — cas des phobies. Les joueurs, qui sont des hérédos pathétiques, sont encombrés et accablés de superstitions. Les