Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/127

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— Faubourg Saint-Honoré. Mais il est une heure et demie du matin, il doit être couché.

— Ça n’a pas d’importance. Venez avec moi.

Arthur, fidèle à son programme « d’homme du monde avant tout », avait loué une chambre de bonne au sixième étage d’un luxueux hôtel du riche faubourg. Cela faisait bien sur ses cartes, au-dessous de la formule magique : secrétaire de Blanche d’Antigny. Les témoins sonnèrent à la grande porte massive. Le concierge, maugréant, leur jeta du fond de son lit : « Monsieur Meyer… chambre 27, escalier 6 au fond de la cour, tout en haut ».

— Diable ! firent les visiteurs nocturnes.

Grattant des allumettes, ils finirent par découvrir l’escalier 6, puis la chambre 27. Seuls, ces chiffres sont arbitraires dans cet authentique récit. Le premier témoin frappa plusieurs fois. Finalement un sinistre petit juif, presque chauve, brun, en chemise, jambes nues et qui tenait une chandelle à la main, vint leur ouvrir, grelottant de peur.

— Ah ! c’est vous, Meyer. Vous vous rappelez que vous vous battez demain et que nous sommes vos témoins ?

— Oui, messieurs.

— Il s’agit de ne pas flancher. Autrement vous auriez affaire à nous.

Le premier témoin examinait son client avec un dégoût mal dissimulé. Il ajouta :

— Avez-vous dans votre canfouine de quoi faire chauffer de l’eau ?

— J’ai un petit fourneau, monsieur.

— Avez-vous une éponge ?

— Oui, monsieur.

— Un baquet ?

— Oui, monsieur.

— C’est bien, je vais vous passer moi-même à la frotte. Car — ajouta le rude gaillard — je ne veux pas, entendez-vous, d’un mort qui ait les pieds sales.

Aussitôt retirant son habit, préparant le baquet, chauffant l’eau, cependant que son compagnon, le second témoin, se tordait de rire, il commença à lessiver son juif, comme il eût étrillé un âne. À mesure, Arthur Meyer se raffermissait. Après une