es salles de garde des hôpitaux de Paris sont le lieu de
réunion des internes et internes provisoires. Ils y
prennent leurs repas en commun ; elles leur servent souvent
de cabinets de travail et de bibliothèques. Par la qualité et les
responsabilités de leurs commensaux, par les visiteurs qui les
fréquentent, par le mélange de gravité et d’effervescence, les
salles de garde sont à Paris des centres intellectuels. Leur
influence n’est pas négligeable. Le grand public n’en connaît
généralement que le côté tapageur et funambulesque, le côté
« bal de l’internat ». Il y a autre chose. C’est là-dessus que je
veux insister.
D’abord comme externe, puis comme interne provisoire, et surtout comme camarade d’un grand nombre d’internes titulaires, j’ai connu la plupart des salles de garde, de 1887 à 1892. J’y ai vu le déclin du matérialisme évolutionniste de la génération précédente et la naissance du culte de Wagner, de ce que j’appellerai la wagneromanie. Il est indubitable, en effet, que le spectacle quotidien de la maladie, de la douleur et de la mort pèse lourdement sur des imaginations jeunes et ardentes et leur fait chercher un dérivatif soit dans l’amour, soit dans la philosophie, soit dans la musique, soit, chose pire, dans les poisons euphoriques. De là, le grand nombre d’aventures sentimentales qui se nouent dans les chambres nues et les froids