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CHAPITRE VI


La résistance à l’anarchie : la Revue des Deux Mondes

et le milieu Buloz. — Ferdinand Brunetière, le vicomte d’Avenel,

Victor du Bled, Melchior de Vogüé, le marquis de Ségur,

Othenin d’Haussonville, Doumic et Faguet. — La nouvelle Revue.
Mme  Edmond Adam. — La transformation de 1895.
Un dîner boulevard Malesherbes. — Les déjeuners de Gif.



De 1885 à 1900, le rempart de la tradition et de la bonne société contre l’anarchie en marche, politique, intellectuelle et morale, comprenait théoriquement l’Académie française et la Revue des Deux Mondes, périodique fondé par le vieux Buloz. En fait, la Revue des Deux Mondes était comme l’antichambre de l’Académie française. Après avoir fait un stage chez Buloz, l’écrivain, le philosophe, l’historien en renom ou bien considéré, allait se faire accueillir ou casser le nez par les Quarante. Ceci vous explique l’importance extraordinaire de Ferdinand Brunetière, homme éloquent, brave, ardent, laborieux, mais à mon avis foncièrement sot, qui la dirigea effectivement pendant de longues années, avant comme après l’élimination, devenue nécessaire, de Buloz fils, de Charles Buloz.

Le hasard fit que j’assistai, séparé d’elle par un simple mur, à la scène de cette élimination. Voici comment. J’avais proposé à Brunetière pour la Revue, comme on disait, le manuscrit de mon troisième roman, l’Astre noir. Il m’avait écrit, après lecture, que ça allait, mais qu’il me demandait d’importantes retouches. Tout content, je me rendis donc rue de l’Université, afin de reprendre mon manuscrit et de connaître les correc-