Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/191

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continuellement des tout petits accrochés à mon tablier, j’ai beau m’occuper d’eux très sincèrement, leur répondre avec application, torchonner par-ci, éponger par-là, — mon observation critique ne cesse pas.

Que voulez-vous ? Une telle beauté inonde l’atmosphère quand maîtresses et élèves se comprennent à plein et mélangent leurs effluves ! Et il suffit de rien pour épanouir l’innocence enfantine : des histoires de petits animaux faibles… Et Louise Cloutet (la Souris), les yeux diamantés, envoie son âme en visite chez l’âme de la normalienne et reçoit à son tour la même salutation.

Mais il y a la contre-partie.

Ce matin, dans la grande classe, c’étaient surtout le dos, les épaules que j’observais ; quelles différences dans les nuques ! Adam concentre là sa force et Gillon sa bêtise ; quelques petites filles montrent déjà, sous leur natte, une pureté de marbre : Julia Kasen, Irma Guépin, Léon Chéron et la Souris ont la nuque archibrune et mince, mince !

La normalienne donnait un simple exposé historique. Superficiellement, tous les enfants avaient l’air aussi absorbant, aussi bénéficiant ; mais, à fixer mon attention, je voyais les phrases tomber différemment sur eux ; un dépit irrésistible me crispait : cette forme de parole ne s’adapte pas à cette forme de tête…

Quel malheur, quand la normalienne ne pénètre pas dans les ténèbres des petites intelligences, ou quand elle ouvre aux enfants un aspect trop com-