Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/320

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banc, avec une sorte d’habitude : tel un pochard au coin d’une borne.

Je ramène mon attention vers les enfants, mais alors mon esprit s’obstine à des questions insolubles qui, sainement, devraient lui être étrangères : un médecin officiel pourrait propager la belle honnêteté de ne pas procréer « quand le mari est plein d’absinthe ».

Juin. — Voilà plus de huit soirs consécutifs que je reste assise dans ma chambre, après dîner, sans me décider à prendre la plume. Le peu d’amélioration produite à la fin de l’année scolaire me décourage. Et puis, je voudrais savoir des choses… et j’ai peur… Un trouble général persiste en moi : un mélange de dévouement et de « la maladie d’un être anormal ». Je voudrais sauver les misérables des crimes de l’amour… Et moi, de quoi est-ce que je souffre ?…

Où vais-je ? Un courant plus fort que ma volonté m’entraîne : j’envisage maintenant hardiment une certaine éventualité ; je discute le pour et le contre. En somme, je n’ai pas fait vœu de célibat… mon grand ennui provient surtout des circonstances inaccoutumées… autrement, mon Dieu, je n’éprouve pas une répugnance invincible.

Détail curieux : à ces moments de délirante imagination, il me semble que j’ai des torts envers les enfants de l’école : je sens naître des remords de déserteuse.

Enfin, aujourd’hui, je me suis réconfortée dans