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chent, on dirait qu’ils vont becqueter les camarades ; ils se fuient, se réunissent, rient, se fâchent, s’évadent ; il y a des volontés brutales, des minauderies, des complots, des promesses, des menaces ; des trésors sortent des poches, y rentrent ; des gestes se précipitent, se retirent. Des tout petits se griffent, des fillettes interviennent, justicières ; des commères ne tarissent pas, des forcenés glissent, tapent du talon, chantent, braillent, en amateurs solitaires. Le cri pointu des filles se dégage en maître.

Quelques mioches sont curieux : ils se prennent par le cou, s’embrassent ou plus exactement se frottent le museau, se flairent, se font des gentillesses animales ; ou bien ils se tiennent les mains, comme s’ils allaient se raconter un tas de choses, puis se regardent, se tortillent, ne sourient même pas et, sans parole, se quittent. C’est simplement l’instinct d’être de la même espèce chétive. Les fillettes de six à sept ans qui caressent ces mêmes bambins obéissent au contraire à un instinct « d’importance ».

Encore un bienfait scolaire révélé fortement par la récréation : le mélange rend les enfants égaux.

À vrai dire, les classes de la société ne sont guère tranchées. Pourtant, on pourrait établir trois catégories : 1o les enfants de boutiquiers ; 2o les enfants de marchands ambulants, d’employés manuels, d’ouvriers à travail et à ménage réguliers ; 3o les enfants de gens à métier inclassable, à exis-