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LIVRE II.

qui ne vivent qu’un jour, exécuteurs de cette pensée supérieure qui confond les espérances les plus légitimes de notre orgueil et transporte perpétuellement les conceptions individuelles du légitime propriétaire à d’infidèles fermiers[1]. »

Dans l’impossibilité où il se trouvait de construire un édifice réel, Rabelais a mis en œuvre toutes les ressources de son imagination pour grouper les éléments d’un édifice idéal. La description donnée dans le chapitre 52 de la Vie très horrificque du grand Gargantua apparaît comme le résumé des doctrines artistiques en même temps que des aspirations et des rêveries qui avaient cours alors. Mais s’il s’agit d’une fiction, les détails sont néanmoins si nombreux et si précis que Lenormant n’a pas eu trop de peine à produire graphiquement une reconstitution.

L’abbaye de Thélème ou de Volonté présentait la figure d’un hexagone appuyé à chaque angle d’une grosse tour ronde. D’autres tours servant d’escaliers faisaient en outre saillie sur deux corps de bâtiments. Au centre de la cour intérieure, également à six côtés, se superposaient les vasques d’une magnifique fontaine. Dans l’arrangement des pièces tout était combiné pour les agréments du corps et les plaisirs élevés de l’esprit. Les femmes au midi, les hommes au nord — car Thélème comme Fontevrault était une abbaye mixte — trouvaient à portée bibliothèque, galerie de tableaux et salles de bains. Des constructions accessoires au pourtour achevaient de rendre ce séjour délicieux. Elles

  1. Rabelais et l’architecture de la Renaissance. Paris, 1840, p. 3.