Page:Léon XIII - Encyclique Rerum Novarum, Sur la condition des ouvriers - 1920.djvu/12

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juste, en ce qu’elle viole les droits légitimes des propriétaires, qu’elle dénature les fonctions de l’Etat et tend à bouleverser de fond en comble l’édifice social.


A) Le socialisme serait nuisible à l’ouvrier

De fait, comme il est facile de le comprendre, la raison intrinsèque du travail entrepris par quiconque exerce un art lucratif, le but immédiat visé par le travailleur, c’est de conquérir un bien qu’il possèdera en propre et comme lui appartenant ; car, s’il met à la disposition d'autrui ses forces et son industrie, ce n’est pas évidemment pour un motif autre, sinon pour obtenir de quoi pourvoir à son entretien et aux besoins de la vie, et il attend de son travail non seulement le droit aux salaires, mais encore un droit strict et rigoureux d’en user comme bon lui semblera. Si donc en réduisant ses dépenses il est arrivé à faire quelques épargnes, et si, pour s’en assurer la conservation, il les a, par exemple, réalisées dans un champ, il est de toute évidence que ce champ n'est pas autre chose que le salaire transformé : le fonds ainsi acquis sera la propriété de l’artisan au même titre que la rémunération même de son travail. Mais qui ne voit que c’est précisément en cela que consiste le droit de propriété mobilière et immobilière ? Ainsi, cette conversion de la propriété privée en propriété collective, tant préconisée par le socialisme, n'aurait d’autre effet que de rendre la situation des ouvriers plus précaire, en leur retirant la libre disposition de leur salaire et en leur enlevant par le fait même tout espoir et toute possibilité d'agrandir leur patrimoine et d’améliorer leur situation.


B) Il viole le droit naturel de propriété

Mais, et ceci paraît plus grave encore, le remède proposé est en opposition flagrante avec la justice, car la propriété privée et personnelle est pour l’homme de droit naturel. Il y a, en effet, sous ce rapport une très grande différence entre l’homme et les animaux dénués