Page:Léon XIII - Encyclique Rerum Novarum, Sur la condition des ouvriers - 1920.djvu/29

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ce qui est en particulier de la classe des travailleurs, elle veut les arracher à la misère et leur procurer un sort meilleur, et elle fait tous ses efforts pour obtenir ce résultat.

Et certes, elle apporte à cette œuvre un très utile concours, par le seul fait de travailler en paroles et en actes à ramener les hommes à la vertu. Dès que les mœurs chrétiennes sont en honneur, elles exercent naturellement sur la prospérité temporelle leur part de bienfaisante influence. En effet, elles attirent la faveur de Dieu, principe et source de tout bien ; elles compriment le désir excessif des richesses et la soif des voluptés, ces deux fléaux qui trop souvent jettent l’amertume et le dégoût dans le sein même de l’opulence ; (28) elles se contentent enfin d’une vie et d’une nourriture frugales, et suppléent par l’économie à la modicité du revenu, écartant ces vices qui consument non seulement les petites, mais les plus grandes fortunes, et dissipent les plus gros patrimoines.

L’Eglise en outre pourvoit encore directement au bonheur des classes déshéritées par la fondation et le soutien d’institutions qu’elle estime propres à soulager leur misère. En ce genre de bienfaits, elle a même tellement excellé que ses propres ennemis ont fait son éloge.

Ainsi, chez les premiers chrétiens, telle était la force de la charité mutuelle, qu’il n’était point rare de voir les plus riches se dépouiller de leur patrimoine en faveur des pauvres. Aussi « l’indigence n’était-elle point connue parmi eux » (29).

Les Apôtres avaient confié la distribution quotidienne des aumônes aux diacres dont l’ordre avait été spécialement institué à cette fin. Saint Paul lui-même, quoique absorbé par une sollicitude qui embrassait toutes les Eglises, n’hésitait pas à entreprendre de pénibles voyages pour aller en personne porter des secours aux chrétiens indigents. Des secours du même genre étaient spontanément offerts par les fidèles dans chacune de leurs assemblées. Tertullien les appelle les dépôts de la piété, parce qu’on les employait « à entretenir et à inhumer les personnes indigentes, les orphelins pauvres des deux sexes, les domestiques âgés, les victimes du naufrage. » (30)

Voilà comment peu à peu s’est formé ce patrimoine que l’Eglise a toujours gardé avec