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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/98

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munificence aux diverses compagnies venues des royaumes étrangers qui se trouvaient alors en résidence à la capitale. Il tenait à les convaincre de la richesse de la Chine. L’acteur en chef exhibait les merveilles de son art dans les meilleurs spectacles, et la vaste multitude des spectateurs assemblés se partageait des lacs de vin et des forêts de viande offerts par la libéralité impériale ; les visiteurs étrangers se rendaient compte ainsi des ressources inépuisables du Trésor impérial et constataient en personne la magnificence de l’Empire. Quand on ajouta aux divertissements des tours de jongleurs, le talent des acteurs s’accrut d’année en année ; de cette période date la grande popularité des fêtes. Les envoyés des pays étrangers continuaient à arriver sans interruption. »

Mais un développement si prodigieux était trop rapide pour durer longtemps. Une politique coloniale — et telle était bien la politique chinoise à l’Occident — exige un personnel d’élite et une force incontestée, toujours prête à se faire sentir. L’un et l’autre manquèrent. L’admirable historien chinois note avec la précision sévère d’un Montesquieu les étapes et les causes de la décadence : « Quand Tchang K’ien ouvrit la route des royaumes étrangers, les fonctionnaires reçurent en récompense de leurs services des honneurs et des titres de noblesse. C’était à qui adresserait au trône un mémoire sur les merveilles des pays étrangers, sur les avantages qu’on gagnerait à se les attacher, sur les dangers qu’on courrait si on négligeait de les soumettre. Quand il se trouvait quelqu’un pour solliciter une mission à l’étranger, l’Empereur, en raison de l’énorme distance qui effrayait les âmes médiocres, acceptait